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Ce qu'écrire veut dire

(Voici un titre comme un pastiche, un hommage... et non une escroquerie)

Chère Laurence, je vois - mais c'est pas d'aujourd'hui - comme l'écriture est aussi pour toi quelque chose qui vient "marquer" là où le vide énigmatique fout le vertige, parfois le bordel... Je suis un bricoleur et non un scientifique, et je dois dire que c'est d'ailleurs en écoutant Rouzel une fois que j'ai fait le rapprochement, assez tardif, entre la question de la loi et celle de l'écriture...
Les lois qui s'imposent aux Hommes sont fabriquées par d'autre Hommes, et cette autorité repose sur ce drôle d'objet qu'est « l'écrit ». Que nous regardions la prolifération journalière de textes juridiques, lois, arrêtés en tout genre et décrets, etc., ici et ailleurs, mais aussi remontions le temps aux alentours des 10 commandements gravés sur pierre, et autres mythes, etc., et puis marchions vers les énigmes que posent les traces des premiers glyphes... (ce sont des exemples), l'observation est édifiante : les technocrates ne sont pas nés de la dernière pluie dans l'histoire de l'Humanité.
L'Homme a agilement capturé le feu, il a aussi trouvé comment dépasser les limites de son corps en mettant en forme des « signes » physiquement externes à sa propre enveloppe. A qui est dès lors capable de graver, peindre, « marquer » l'objet, la matière, détient la manière, la technique, le procédé, le savoir-faire, de manipuler des « symboles ». Et détient le « pouvoir » de « porter la parole »...
(On observe comment souvent d'ailleurs dans notre quotidien d'éduc, la parole est souvent réduite à une dimension orale, voire la faculté chez un « usager » d'articuler des phonèmes, syllabes, à sa dimension même acoustique et sensorielle... enfin bref...)
Le glissement qui s'est fait de l'oral vers l'écrit a fait intervenir cet élément extérieur à nous qui défie le temps : la permanence du résultat qui ne dépend plus de la répétition du « geste » pour opérer. A l'oral il faut répéter sans cesse, à l'écrit on l'écrit une fois pour toute/tous. Ce qui n'a pourtant pas pris des lustres à « faire », à réaliser, néanmoins ça « reste », au-delà de l'action même, mais bien au-delà, au-delà de moi-même dans l'espace et dans le temps, y compris dans celui qui ne m'appartient plus : on est dans « l'acte » de la défiance, celle de ma mort.
Dans l'acte d'écriture, un phénomène nous extirpe de l'immédiateté des choses, des événements, et modifie la perception de l'ordre du monde.
Je ne suis pas dans des considérations théoriques communément admises, ni ne maîtrise les conventions scientifiques, et ne suis pas non plus doté d'une grande adresse pour communiquer mes pensées, mais j'ai l'impression que « l'histoire d'écrire » a quelque chose à voir avec la notion de responsabilité, d'éthique, dans la formation de notre esprit critique face aux violences symboliques ("tout pouvoir qui parvient à imposer des signification et à les imposer comme légitimes en dissimulant les rapports de force qui sont au fondement de sa force" Bourdieu) et même alors hiérarchiques (hiérarchie, le « commandement sacré ») qui frappent notre condition de « sujets »... assujettis à nos mécanismes internes, notre être sensible, à nos désirs, le « je » qui veut affirmer une existence propre et une capacité d'être maître de soi, et assujetti aux pressions extérieures qui me « gouvernent », commandent de moi que je sois ceci ou cela, celui-là ou celle-ci... au nom du droit à être conforme, valide, autonome, baigné du bonheur minimum garanti... que je ne sais pas reconnaître comme celui qu'il me faut ! Quelle insolence habite ceux qui nous sont confiés ! Ils rejettent parfois le bonheur qu'on leur propose ! Produisez-consommez, taisez-vous, et bonne fin de vie messieurs dames...
Or, si l'on s'autorise à faire un pas de côté, comme ici par l'acte d'écriture, il est stupéfiant de voir comme ces « handicapés », « inadaptés », graines de violences, « déficients », « exclus » ou « marginaux », ces « fous » ont justement assez de folie pour prendre en charge la remise en question de notre façon d'ordonner le monde, et de construire le projet humain. Et de construire, « d'élaborer » leurs projets ! Je ne sais plus qui disait que le travail social est un « symptôme »... peut-être bien Rouzel, je ne sais plus trop... Pour moi il vient aussi témoigner de l'échec d'une société dans l'intégration et l'enrichissement des différences dans la construction d'un monde qui les concerne aussi. Envers qui et pour quelle raison il devrait s'excuser d'exister.. ?
D'aucuns acceptent un peu hâtivement l'ordre des choses comme « reçu », qui va de soi, qui ne doit/peut pas se remettre en question, où nous n'y serions quasiment plus pour rien dans son projet. Mais il faut se réveiller... « Les marchés sont rassurés » j'ai entendu dans cette satanée télé y'a pas si longtemps... Mais c'est quoi ces conneries ?! Ça respire, ça pense, ça a peur, des doutes, ça prend des décisions, ça se met en colère, ça aime, ça pleure un marché ? Ou ce sont des hommes et des femmes qui sont aux commandes de cette machinerie qui ont les chocottes parfois ? Hein.. ? Arrêtons les conneries...
C'est donc notre capacité à mettre en question le monde qui nous entoure, relativiser les discours qui font la promotion de l'ordre à tout prix, empreints de fatalité dont celle qui cautionne l'économie absurde de qu'il y aurait à faire en aidant nos « alter ego » alors qu'un être humain n'a pas de « prix » sur les « marchés », qui « marque » aussi la démarche d'écriture. On ne « dé-pensera » pas plus qu'aujourd'hui, j'espère...
Cette démarche d'écriture, qui sert le dessein de ceux qui imposent leur ordre, qui fonde leur légitimité d'être violents envers d'autres, les pliants à la soumission, il faut assez de force et de courage, de caractère pour s'en emparer et dire avec elle ce dont on se sent responsable.
Quand c'est envisageable, l'atelier d'écriture c'est d'ailleurs un projet qui a du sens dans les institutions. Cela veut dire plein de choses que d'écrire... ça permet de travailler l'imagination qu'on dit, de symboliser et tout... de venir « emmerder le monde » avec leurs « conneries de poèmes », ou leur autobiographie, ou plus généralement « leurs histoires » qui, peu importe sous quelle forme, viennent témoigner sur le papier d'eux-même, de la marque du sujet, qui « disent » quelque chose de ce qu'ils vivent. Parfois « ça » veut « rien dire »... mais « ça » est plus fort que moi... et puis rien dire, c'est mieux que de ne pas dire du tout..! Remettre dans la main la plume à cet autre qui ne serait pas là à « sa place », y'a moyen qu'il puisse y « inscrire » justement sa marque, qu'il « signe » la tentative d'une restauration de sa « parole ». Oui ça fait chier certains que l'autre se mette à écrire... tout le monde n'est pas prêt, contrairement à ce que peuvent crier les politiques sociales visant à inscrire la participation des usagers,etc., à laisser la parole à l'autre... Si l'on s'en tient à lire les discours assez éloquents et politiquement corrects, tout le monde, gestionnaires, politiciens, professionnels, veut affirmer que « l'usager » est un sujet de droits, etc., qui serait au centre de l'accompagnement et tout... pour qui y'a tout un tas de trucs aujourd'hui... Je ne pense pas, même si je suis jeune dans ce métier, avoir beaucoup de preuves d'engagement du côté de l'accès à cette forme fondamentale de citoyenneté qui est de permettre à l'autre en souffrance, dans les 2 sens du terme, de retirer sa casquette « d'usagé au cœur du dispositif », « acteur » de son projet, pour par exemple enfiler celle de l'écrivant, qui a besoin de s'écrire, d'être l'auteur de ce qu'il projette, d'être responsable de ce qu'il a à dire... par exemple.


(Ouh la, j'ai attrapé une claviérite...)

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