mercredi 17 septembre 2025
L’écriture de l’agir et les écrits professionnels
en éducation spécialisée 1
Jean Christophe Contini
Docteur en lettres, ancien éducateur
Écriture et fabrication de l’agir
Désir d’élévation sans doute 1 , je me suis un jour mis en tête de faire une thèse de doctorat, sans véritablement savoir sur quel objet travailler, si ce n’est qu’il serait en lien avec la pratique de l’éducation spécialisée au quotidien, puisque c’était là ma première formation et le thème de la plupart de mes travaux, à l’école d’éducateurs bien sûr, mais aussi à l’université où je m’étais lancé sur le tard dans l’étude des sciences de l’éducation. Quelles mouches m’avaient donc piqué pour que je me lance dans ces deux formations, puis une troisième dans la foulée, toujours en travail social, avant de poursuivre en thèse avec un sociologue, m’inscrivant parallèlement à une formation de superviseur d’équipes dans un petit centre de formation indépendant de Montpellier ? La réponse ? : — « Par dépit d’une part, par désir d’ailleurs d’autre part, suite à une rencontre… »
Avec des parents directeurs d’institution habitant sur place, je suis tombé petit dans la marmite de l’éducation spécialisée, comme Obélix dans la potion magique. Ne sachant que faire après le bac, je m’étais décidé pour la formation d’éducateur, sans autres horizons en vue… Mais les voies de la formation étant, comme celle du Seigneur, impénétrables, je rencontrai durant ces années initiatiques la psychanalyse, dans ses articulations et son cousinage avec la pratique des métiers du social. Évidemment, son discours était porté par un être en chair et en os, un formateur, ancien éducateur et psychanalyste qui me mit, l’air de rien, la puce à l’oreille ensuite pour mes études universitaires à Genève, auxquelles je m’inscrivis parce qu’il y avait une psychanalyste professeure en sciences de l’éducation, dont les apports de la psychanalyse à l’éducation étaient le thème de recherche, suite à une thèse réalisée sous la direction de Michel de Certeau, dont on sait le souci de la question d’un quotidien mis en relief dans les deux volumes de L’Invention du quotidien …
Avec ces rencontres, je découvris dans les deux cas la question de l’écriture, dans une séquence de formation consacrée à l’écriture des situations tout d’abord, dans laquelle je m’autorisai comme rarement je ne l’avais fait à adresser et lire quelque chose sorti de ma plume, lors de l’écriture d’un journal de formation ensuite, constituant la modalité d’évaluation de ce cours qui m’avait attiré à l’université : « Dimensions relationnelles et affectives des métiers de l’humain »… Poursuivant mon cursus de formation, avec des lectures très intensives, je rédigeai presque simultanément mon projet de thèse et une monographie qu’il me fallut soutenir publiquement pour terminer ma formation de superviseur en France. Dans le cadre de cette formation et des rencontres qui s’y produisirent, la question de l’écriture me rattrapa rapidement, puisqu’un formateur et écrivain aguerri dans le champ du travail social m’avait invité à découvrir les activités d’une petite revue, à laquelle il m’incita à participer en rédigeant quelque note de lecture… « Le démon de l’écriture vous a pris vous aussi ? », m’avait-il dit un jour, sans que je comprenne véritablement ce que cela pouvait bien vouloir dire… Un livre que le premier formateur rencontré me conseilla – j’osai lui écrire – et le souvenir d’un cahier de liaison d’une densité importante utilisé dans un centre fermé dans lequel j’avais été remplaçant me suffirent pour que je trouve là une occasion à saisir – je ne crois pas que je fus un lion, mais un seul bon me suffit !
Vingt-cinq ans après le début de ma formation, bardé de diplômes et deux doctorats en poche (le second en littérature – il faudrait pour le second que j’évoque mes origines italiennes, mon père beaucoup plus âgé que ma mère, dont je n’ai aucun souvenir, mon oncle, rencontré à mes vingt ans, grand poète italien, maudit, dont j’avais découvert les recueils dans la bibliothèque familiale alors que je découvrais la littérature au lycée) – me voilà devenu auteur de plusieurs livres, tout comme d’articles, consacrés à la littérature, mais principalement à l’éducation spécialisée et la question de l’écriture… Hasard, contingence, destin, détermination ?
Écrits professionnels et écritures mineures
Me penchant sur l’analyse du cahier de liaison « indigène » 2 d’un centre éducatif fermé accueillant des adolescents en grandes difficultés, c’est à des écritures mineures que je me suis en réalité intéressé, ce qui a constitué un véritable défi, celui d’extraire le savoir (mais comment ?) contenu dans ces milliers de pages manuscrites rédigées quotidiennement et jour après jour par les membres de cette équipe dont je fis partie quelque temps.
Entreprise incertaine, en apparence peu propice à la découverte au premier abord et à la mise en lumière de connaissances à proprement parler, je peux dire après-coup que le pari a été réussi et a permis, laborieusement certes, la reconstitution de ce que j’ai qualifié de texte institutionnel de l’agir, produit et mis en œuvre tout le personnel y œuvrant, qu’il s’agisse de la direction, de l’équipe, de la lingère, de la cuisinière, du concierge, des secrétaires.
J’ai présenté dans plusieurs articles et ouvrages les interprétations de ces résultats que je ne reprendrai pas ici, évoquant par contre le temps de quelques lignes sur ces écrits et écritures mineurs que l’on rencontre dans le champ de l’éducation spécialisée et, de manière générale, dans la « nébuleuse » plus vaste que constitue le champ du travail social. Je repends à cet effet quelques propos présentés à la Maison du Livre de Bécherel 3 en septembre 2024, dans lesquels je m’étais attelé au repérage des différents genres et sortes d’écrits que l’on pouvait y rencontrer.
Qu’il s’agisse d’éducation ou d’éducation spécialisée, il existe de nombreux types d’écrits pratiqués ou produits dans le les champs de la clinique, de la recherche et de la formation. Pour un premier abord de l’écriture et des écrits professionnels dans le champ de l’éducation spécialisée et du travail social, il faut tout mentionner quatre ouvrages (il y en aurait quelques autres, mais ils ne sont tout de même pas légion) qui m’ont permis de défricher cette question dans le cadre de mes recherches : Pierre Delcambre, Écriture et communications de travail : pratiques d’écriture des éducateurs spécialisés (PU du Septentrion, 1997) ; Joseph Rouzel, La pratique des écrits professionnels en éducation spécialisée , Dunod, 2000) ; Jacques Riffault, Penser l’écrit professionnel en travail social : contexte, pratiques, significations (Dunod, 2000) ; Mireille Cifali et Alain André, Écrire l’expérience : vers la reconnaissance des pratiques professionnelles (PUF, 2007).
Dans le champ de la clinique ( i.e. de la pratique), on rencontre ainsi des écrits administratifs et professionnels de tous genres, comme les rapports au juge ou à l’autorité de placement, les rapports d’observation, les bilans de synthèse et autres documents relatifs au projet éducatif individualisé, les anamnèses, notes d’observations, etc. ; certains de ces écrits pouvant être considérés comme officiels, car adressés en dehors de l’institution, ou encore parce qu’ils sont intégrés dans le dossier des sujets accueillis. On croise également ce que je qualifie, reprenant le terme du sociologue Jean-François Laé, d’écrits et d’écritures mineure, ou encore d’écritures au travail, toute une panoplie d’outils ou de dispositifs graphiques indigènes, c’est-à-dire d’écrits produits à l’intérieur de l’institution et qui y restent. Ce sont des outils de fonctionnement et des supports de mémoire qui permettent la production de ce que j’ai qualifié d’écriture de l’agir, de fabrication et d’institution du quotidien : cahier de liaison ou cahier de bord, cahier d’observation, notes éparses, agenda, formulaire divers, règlement, procédures, etc. Toujours dans le champ de la pratique, il faut évoquer des livres ou des écrits pédagogiques et didactiques, ou des témoignages rédigés par d’anciens praticiens ou aguerris dans le métier, qui usent souvent du récit pour leurs ouvrages, comme on peut le constater dans la collection qu’a fondée Joseph Rouzel aux éditions Érès, « L’éducation spécialisée au quotidien » ; ou encore dans la collection « Trames » aux mêmes éditions (un repérage beaucoup plus large serait ici nécessaire) ; avec par ailleurs quelques grands auteurs exceptionnels, dont Fernand Deligny est la figure la plus importante, si l’on considère les milliers de pages qui constituent ses œuvres complètes et les concepts qu’il a forgés (par exemple, lorsqu’il considère que l’éducateur est un créateur de circonstances)…
Dans le champ de la formation , on rencontre des écrits de formation nécessaires à l’obtention du diplôme : écrits divers, biographie d’admission dans le cadre des présélections ; examen de diplôme ou mise en place lors des formations en cours d’emploi d’un projet éducatif écrit qui fera l’objet d’une évaluation ; tout comme une monographie ou un mémoire de fin de formation souvent avec une méthodologie de recherche en sciences humaines et sociales. On trouve enfin dans la littérature divers livres et ouvrages pédagogiques et didactiques sur le métier ou la formation en éducation spécialisée et en travail social.
Dans le champ de la recherche , on repère des doctorats consacrés à l’éducation spécialisée et au travail social, ou à l’un des aspects spécifiques de la profession ; ce sont souvent, mais pas obligatoirement, des doctorats réalisés par des professionnels à partir de leur pratique ; soit des recherches-actions, des thèses de praticiens, comme on dit. On peut également lire divers doctorats ou recherches de sociologues du travail social ou de chercheurs en sciences de l’éducation ; comme par exemple et pour prendre quelques grandes figures de la profession : Michel Chauvière, Paul Fustier, Mireille Cifali, et quelques autres bien évidemment. De manière plus large, mais toujours dans le champ de la recherche, on trouve des études plus anthropologiques, mais surtout historiques consacrées au domaine de l’éducation spécialisée qui étudient notamment sa naissance en tant que profession : par exemple la thèse que Maurice Capul a consacrée aux enfants placés sous l’Ancien Régime, son livre L’invention de l’enfance inadaptée : l’exemple de Toulouse St-Simon 1950-1975 (Érès, 2010) ; celui de Mathias Gardet et Alain Vilbrod, L’éducation spécialisée en Bretagne 1944-1984 : les coordinations bretonnes pour l’enfance et l’adolescence inadaptées (PU Rennes, 2007) ; l’ouvrage de Samuel Boussion encore, Les éducateurs spécialisés, naissance d’une profession : le rôle de l’Association nationale des éducateurs de jeunes inadaptés (1947-1959) (PU Rennes, 2013) ; celui de Samuel Boussion, Mathias Gardet, Martine Ruchat, L’internationale des républiques d’enfants 1939-1955 (Anamosa, 2020).
On croise enfin des ouvrages de témoignage, de réflexion, de propositions , écrits par des auteurs qui ont traversé l’ensemble des trois champs et qui ont été, à un moment ou un autre, actifs dans la clinique, dans la formation et dans la recherche : par exemple Michel Lemay, Joseph Rouzel, Jean-François Gomez, Philippe Chavaroche, Thierry Goguel d’Allondans, et bien d’autres qu’il faudrait aussi mentionner. Il me semble que nous sommes ici à la frontière de ce que certaines appellent la littérature grise , qui n’est pas forcément reconnue par les universitaires « purs et durs » et n’est pas toujours citée dans les recherches produites à l’université. C’est peut-être pourtant dans ce champ littéraire en clair-obscur que s’inscrivent de nombreux témoignages réalisés par des éducateurs ou d’anciens éducateurs. Évoquons encore l’existence : d’une littérature connexe , notamment dans le champ de la psychiatrie et de la psychothérapie institutionnelle, du côté des institutions médico-sociales où œuvrent également beaucoup d’éducateurs : Michel Lemay encore une fois, mais aussi des auteurs comme François Tosquelles, Jean Oury et beaucoup d’autres auteurs qui témoignent à la fois de considérations historiques dans la suite de leurs propres expériences professionnelles, tout comme de considérations théoriques, au sens de la réflexion et de l’élaboration après-coup de ce qui s’est pratiqué et a eu lieu. Il faut enfin mentionner le champ, conséquent, des revues professionnelles ou associatives dans lesquelles on retrouve beaucoup d’acteurs de l’éducation spécialisée et du travail social qui s’inscrivent dans les toutes les dimensions de la profession, clinique, formation, recherche, témoignage, réflexion, analyse, etc.
Rappelons particulièrement l’existence du champ méconnu et encore peu exploité des archives personnelles , qu’elles soient officielles et déposées dans des fonds d’archives d’institutions, comme au CNAHES (Centre national des archives et de l’histoire de l’éducation spécialisée et de l’action sociale), et non perdues ou détruites, comme c’est souvent le cas, soit qu’elles restent dans le cadre de la famille en tant qu’archives privées et sont donc inaccessibles, soit qu’elles soient détruites ou jetées, ce qui est souvent également le cas des archives relatives aux écritures mineures dans les institutions qui sont détruites après un certain temps. Il y aurait là tout un travail de communication et d’information à faire autour de la question de la conservation et du conditionnement des archives. De ces archives, lorsqu’elles existent et sont mises à disposition des chercheurs, découlent ainsi parfois des livres importants, comme dans le cas des livres de Martine Ruchat et Alain Vilbrod consacrés à Jacques Ladsous et Roland Assathiany, parus tous les deux chez L’Harmattan.
Terminons ce repérage avec la question peu abordée des témoignages personnels de personnes qui ont été elles-mêmes accueillies en institutions ou accompagnées et suivies par des éducateurs ou des travailleurs sociaux. Ces témoignages existent, mais j’ignore pour ma part s’ils ont déjà fait l’objet d’un travail de recherche et été en quelque façon répertoriés. C’est ici une véritable question à mettre au travail, tout en tenant compte, je l’évoque rapidement, de la problématique qui existe aujourd’hui dans certaines institutions autour du storytelling , par exemple dans les journaux que publient à l’interne certaines grandes institutions. Autre problème, on touche également ici à la question de l’accès aux archives de l’administration et des institutions, qui bien souvent gardent le secret pendant longtemps et n’autorisent que peu l’a consultation de leurs documents indigènes, comme j’ai eu la chance de pouvoir le faire à propos du cahier de liaison que j’ai étudié.
Encore faut-il par ailleurs qu’il y ait des chercheurs, aguerris et au fait du champ du travail social et de l’éducation spécialisée, qui s’intéressent à ces archives, comme c’est par exemple le cas de Jean-François Laé, qui a dans un ouvrage pu retracer le parcours et la relation entre une jeune fille et l’assistante sociale qui l’a accompagnée, grâce à une correspondance retrouvée dans les archives administratives de la protection de l’enfance 4 .
Une transmission en trois dimensions : lecture , parole , écriture …
Après l’évocation de ces écrits produits dans les trois dimensions de la clinique, de la formation et de la recherche, j’aimerais encore ponctuer le fait que le métier d’éducation spécialisée, extrêmement complexe, qui représente, en quelque sorte, et si on l’étudie avec attention et en profondeur, un véritable « vortex » qui, et c’est une hypothèse que je propose, constitue de fait, je parle ici du dispositif institutionnel, des institutions d’éducation spécialisée comme on le disait alors, un véritable micro-lien social , et qui est une véritable micro-société « locale » qui reproduit, sur tous les pans, j’insiste, ou qui fait appel, est un reflet de la société démocratique et de la société en général, au sens où on retrouve et rencontre tous les invariants structuraux anthropologiques, ethnologiques et sociologiques qui caractérisent ce qu’on appelle le lien social .
Rappelons que dans le cadre de la naissance de la profession d’éducateur spécialisé, qui n’a véritablement eu lieu que dans l’après-guerre en raison des innombrables enfants que celle-ci a rendus orphelins, reste une question incontournable qui est absolument politique, au sens d’ une politique indigène et institutionnelle du lien social et de la vie quotidienne, du quotidien , d’une politique indigène de ce que pendant un certain temps on a appelé le « vivre ensemble », avec ses modalités concrètes, concernant ceux que j’ai qualifiés tout à l’heure d’« indigents », et que j’ai pour ma part qualifiés de « déviants », au sens où le sociologue américain Howard Becker a étudié un certain nombre de pratiques dites délinquantes par rapport aux normes sociales.
Nombre des premiers éducateurs spécialisés ont ainsi connu la guerre, ou sont nés après-guerre, ont été concernés dans leur famille et histoire par les horreurs que l’on sait ; beaucoup ont été des « soixante-huitards » engagés, puisque la question de mai 68 était au fond celle d’une autre modalité politique du lien social et du vivre ensemble. Dire également que cette critique sociale, cette révolte, a concerné tout autant les sciences humaines et sociales, notamment dans le cadre de l’université Paris Vincennes, aujourd’hui Paris 8 et ce qu’il en reste, cette question étant absolument en lien avec la construction de la formation des éducateurs spécialisés et des travailleurs sociaux ; études que les acteurs de ce champ ont pu suivre auparavant, pendant ou ensuite, souvent avec un très haut niveau de qualification, en provenance d’origines différentes, parfois forts éloignées du travail social. Je pense par exemple aux trois volumes de la Critique de la vie quotidienne d’Henri Lefebvre publiés à partir de 1947, aux travaux des sociologues américains des années 1930 qui se sont intéressés aux pratiques des institutions, des asiles, des usines en allant concrètement sur les terrains, ce qu’on a appelé l’École de Chicago et d’où découle l’interactionnisme symbolique : Erving Goffman, Anselm Strauss, Howard Becker et quelques autres bien évidemment. J’y ajouterai la psychanalyse et ce courant qu’on a appelé l’« analyse institutionnelle », qui fut très présente à Paris Vincennes avec René Lourau et quelques autres, bien entendu ; il faudrait encore évoquer plus longuement l’influence des travaux de Michel Foucault et de Claude Lévi-Strauss, etc.
Bref, je ne crois pas qu’on puisse parler du travail social sans tenir compte de ces considérations, de l’histoire et du contexte de la naissance de la profession et de ses centres de formation – rappelons à ce propos le numéro de 1972 de la revue Esprit consacré au travail social. Tout comme au fait, comme l’a rappelé Michel Chauvière il y quelques années dans un numéro de la revue Les Cahiers dynamiques , qu’il y avait à l’époque dans les personnes qui se sont engagées en éducation spécialisée, des lettrés de tous bords disposant d’un très haut niveau de formation en lettres ou en sciences humaines et sociales, des religieux ou des théologiens, ce qui selon lui n’était pas un mal, puisqu’il s’agissait de penser les questions posées par la pratique sur un plan sociologique, clinique, politique, éthique, anthropologique, etc., sans parler du champ de la littérature, de la culture et des lettres plus généralement.
La fonction de l’écriture et des témoignages me semble dès lors pour ces raisons être essentielle et centrale dans le champ de l’éducation spécialisée et du travail social (dans ses trois dimensions : clinique, formation, recherche), tout comme son apprentissage Réel (lecture), Symbolique (parole) et Imaginaire (écriture, il s’agit d’apprendre à lire le monde, de parler aux autres et de se parler pour agir ensemble, d’écrire pour réfléchir et penser l’agir dans l’après-coup et revenir sur l’incessante lecture que le monde nous impose dans son incertitude et son imprévisibilité. Les chemins de l’éducation, toujours singuliers, mènent ainsi pourtant à une prise en compte et des considérations inévitablement anthropologiques, sociologiques, ethnologiques, éthiques et politiques, philosophiques et psychanalytiques de ses invariants.
Résumé
La fonction de l’écriture et des témoignages est fondamentale pour la transmission de l’histoire et du savoir-faire en éducation spécialisée. Les éducateurs écrivent beaucoup plus qu’on ne le pense dans le cadre quotidien de leur activité professionnelle, mais aussi dans ceux de la formation et pour certains de la recherche. Cette constellation scripturale n’a que peu été étudiée dans se détails alors que de nombreuses archives historiques et professionnelles attendent qu’on s’intéresse à elles. Ce texte propose une réflexion à ce propos et tente un premier repérage général.
Mots-clés
Éducation spécialisée, écrits professionnels, écritures mineures, archives, transmission, lecture, parole, écriture, clinique, formation, recherche
Notes
1 Stiegler, B., Des pieds et des mains. Petite conférence sur l’homme et son désir de grandir , Paris, Bayard, 2006, p. 89 : « Qu’est-ce que veut l’homme ? Qu’est-ce qui est à la base de son énergie ? C’est le désir de s’élever, qui peut évidemment prendre toutes sortes de formes, parfois pires que tout. La fait de s’élever n’est pas forcément bon en soi – mais tout ce qui est bon a à avoir avec le désir de s’élever. »
2 Contini, J.C., Éducation spécialisée : l’écriture de l’agir. La fabrication du quotidien , Paris, L’Harmattan, 2020.
3 Sollicité par l’Association des Amis du Livre de Bécherel au moment de la création de l’espace Nominoë à la Libraire du Donjon de Bécherel, qui expose et propose une sélection de livres consacrés au travail social, je me suis rendu compte que rares étaient les travaux s’étant penchés sur ces différents genres d’écrits et qu’il serait intéressant d’essayer de proposer un repérage.
4 Laé, J.-F., Une fille en correction. Lettres à son assistante sociale (1952-1965) , Paris, CNRS éditions, 2018.
1 Texte paru dans VST - Vie sociale et traitements 2025/3 (N° 167)
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