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La mise en place de l’œdipe chez les enfants placés en famille d’accueil

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Joëlle Prat

dimanche 01 février 2004

résumé du mémoire de maîtrise du même nom, soutenu en juin 2002. Université Paul Valéry. Montpellier

Le placement familial a longtemps été connu sous le nom de placement nourricier, la fonction première de la nourrice étant d’allaiter l’enfant confié avec le sien. La disparition du mot « nourricier » indique que l’attente fondamentale à l’égard de la nourrice n’est plus strictement alimentaire et que les enfants confiés peuvent être de grands enfants et non plus seulement des nourrissons. Le terme plus récent de « famille d’accueil » introduit deux perspectives importantes. Tout d’abord, il laisse sous entendre que toute la famille, conjoint et enfant, est impliquée dans le placement. De plus le mot « accueil » définit de façon bien différente le rôle de la mère d’accueil et conduit à repenser sa position et sa place par rapport aux parents de l’enfant, c’est pourquoi on parlera d’assistante maternelle.

Aujourd’hui, le placement familial est défini comme un accueil permanent d’un enfant de jour comme de nuit pour quelque durée que ce soit, par une famille rémunérée, qui pendant toute la durée du placement assure l’ensemble des soins et l’éducation de l’enfant sans que celui-ci lui appartienne pour autant. La famille d’accueil vient suppléer les parents défaillants dans l’exercice de leur parentalité et tente de palier les troubles de la relation mère/enfant qui peuvent être la source de la séparation. L’enfant placé est donc partagé, divisé entre ses deux familles. Cet élément nous a conduit à nous interroger sur la mise en place de l’Œdipe. En effet cette constellation familiale multiple brise la possibilité d’une structuration triangulaire or nous savons que celle-ci amorce le stade œdipien : l’enfant est toujours situé par rapport à deux instances, la mère et le père. Ces deux pôles doivent permettre à l’enfant de reconnaître la différence des sexes. L’instance paternelle, par la métaphore du Nom du Père, doit venir signifier à l’enfant la nécessité pour lui de se situer hors du champ du désir de sa mère. Cette parole est décisive dans l’avenir de la dialectique œdipienne. Elle permet la reconnaissance de la différence des sexes et parallèlement celle de l’interdit de l’inceste.

C’est à Freud que nous devons l’utilisation du concept de l’Œdipe comme pièce maîtresse de la théorie du fonctionnement psychique. Il doit cette découverte à l’analyse de ses propres sentiments d’amour et de jalousie ressentis respectivement pour sa mère et son père. Le terme de « complexe » vient désigner une organisation fantasmatique, inconsciente parce que refoulée. Ce refoulement et cet interdit sont liés à la culpabilité ressentie face à l’émergence des désirs œdipiens.

Suite à un stage réalisé dans l’un des services famille-enfance de l’Aide Sociale à l’Enfance du Gard, nous nous sommes interrogés sur les effets du placement dans la mise en place de l’Œdipe.

Les enfants accueillis dans une famille d’accueil et vivant séparés de leur cellule familiale peuvent-ils mettre en place une situation oedipienne normale ? Comment un enfant peut-il se reconnaître comme individu différencié sans la présence effective d’un père énonciateur de la loi symbolique ? Est-ce que la présence d’un tiers, tel que le juge ou le conjoint de l’assistante maternelle et la mise en place d’une séparation physique, peut venir combler l’absence de séparation symbolique ? L’enfant placé dans une famille d’accueil est-il en mesure d’utiliser les membres de sa famille d’accueil comme substituts parentaux afin de laisser aller ses sentiments œdipiens ?

Ces différentes problématiques nous ont conduit à émettre l’hypothèse de recherche suivante : les petits garçons placés avant trois ans, n’ayant pu créer un lien suffisamment sûr avec la mère ni se confronter à l’énonciation de la loi symbolique par un tiers, présentent un complexe d’Œdipe c’est à dire qu’il y a un interdit sur l’Œdipe dut à des sentiments œdipiens trop intenses donc refoulés.

Afin de mettre à l’épreuve cette hypothèse de travail, nous nous sommes appuyés sur les théories de Mélanie Klein, Sigmund Freud et Françoise Dolto.

La décision de placement et donc de séparation est souvent basée sur un trouble du lien parents/enfants (troubles de l’attachement ou de la parentalité) ; troubles pouvant mettre en péril le devenir physique et psychique de l’enfant. Le placement familial a donc pour objectif la reconstruction de ce lien, mais cela implique la prise en charge de l’enfant par une personne extérieure à la cellule familiale. Dolto a mis en évidence le risque d’un retard de l’évolution inconsciente de l’enfant vers une structuration libidinale sexuée si une personne étrangère prenait de l’importance pour l’enfant avant son entrée dans la période œdipienne. Pour Klein, l’enfant entre dans l’Œdipe dés sa première année, c’est à dire lors des stades prégénitaux et plus particulièrement par le biais de la relation au sein. Pour Freud, cette entrée est plus tardive et correspond à l’âge d’entrée dans la phase phallique (entre trois et cinq ans), caractérisée par un intérêt massif de l’enfant pour ses organes génitaux.

Au niveau de la pratique nous nous sommes intéressés à deux petits garçons âgés de six ans et placés en famille d’accueil depuis trois ans. Pourquoi avoir opté pour des sujets de cet âge ? Simplement parce qu’à six ou sept, l’enfant s’est déjà éveillé physiquement et intellectuellement à la vie sexuelle et qu’il se montre désireux de contact physiques et d’intimité affective. D’autre part il est déjà curieux de tout ce qui concerne les relations des sexes, l’intimité des parents, les mystères de la fécondations et de la naissance des bébés. A cet âge, le stade œdipien est atteint, c’est à dire que l’enfant se trouve en situation triangulaire, les deux parents étant reconnus comme ayant des rôles distincts.

Mais nous savons que cela ne veut pas dire qu’il est pleinement réalisé son Œdipe ni qu’il l’ait dépassé, c’est à dire que le Moi est atteint un degré de maturité suffisante et que l’enfant ait un niveau suffisant dans ses relations objectales.

Le choix de travailler avec ces deux petits garçons était également lié à la similarité de leur histoire familiale. Le placement en famille d’accueil était mis en place depuis trois ans, ils étaient tous les deux le troisième enfant d’une fratrie de six. De plus, ils étaient ceux de la fratrie ayant vécus le plus longtemps avec la mère. Enfin ils avaient tous deux un frère ou une sœur toujours domiciliés chez la mère.

Au niveau méthodologique, nous avons opté pour le test de Patte Noire. Pourquoi une telle décision ? Chez beaucoup de sujets, l’Œdipe est masqué par la censure interdictrice du Moi, empêchant les pulsions œdipiennes de s’exprimer librement. Nous sommes alors face à un complexe d’Œdipe, il y a un interdit sur l’Œdipe. Les tests projectifs peuvent amener à l’expression les pulsions œdipiennes refoulées (par le mécanisme même de la projection).

De plus, le test de Patte Noire est le premier test ayant permis de faire le point exact sur la situation oedipienne.

L’analyse des deux protocoles a mis en évidence la présence chez ces deux sujets de différents modes de défenses : rivalité fraternelle, mise à distance, absence d’identification au parent de même sexe, inversion de l’Œdipe et régression orale. Ces défenses permettent aux sentiments œdipiens de rester inconscients et sont donc caractéristiques de la présence d’un complexe d’Œdipe.

Notre hypothèse de travail est donc validée, les enfants placés en famille d’accueil avant trois ans, sont dans l’incapacité de mettre en place une situation oedipienne normale. La séparation physique représentée par le placement ne peut palier à l’absence de séparation symbolique. D’autre part, malgré l’aide éducative et les soins apportés par la famille d’accueil, l’enfant n’est pas en mesure de déplacer ses sentiments œdipiens sur eux.

Toutefois nous tenons à nuancer les résultats obtenus. En effet, la plupart des enfants ne vivent pas une situation oedipienne normale, nous n’aurions alors aucunes raisons de nous inquiéter pour le développement ultérieur de ces enfants. Ce qui peut nous alerter cependant, c’est qu’à leur âge, le complexe est censé être dépassé ou en voie de dépassement. Les enfants rencontrés devraient être dans la phase de latence, c’est à dire que les exigences sexuelles devraient se déplacer vers d’autres buts par le biais de la sublimation. Or, à l’époque de la rédaction de ce mémoire, cela n’était pas d’actualité, bien au contraire puisque ces enfants étaient alors dans l’incapacité à investir les apprentissages et/ou d’autres objets.

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